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“Entre le plateau et l'écume”

Ce carnet de voyage fait partie d'un périple plus vaste. Reprenez-le depuis le début ! C'est ici : « Des Andes à la Lune ».
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Par un beau matin d'été austral, tandis que le jardin de notre hôtel resplendit de mille couleurs,...
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...que la flore tropicale s'épanouit dans la moiteur ambiante, lourde d'arômes entêtants,...
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...et que nous nous éveillons au bruit lancinant des vagues que l'Océan Pacifique charrie inlassablement,...
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...tout le village de Taltal semble atteint d'une fièvre aussi incontrôlable qu'inexplicable.
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A en juger par la foule turbulente qui envahit les allées ombragées de la place centrale,...
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...et se presse en masse au pied du kiosque, il n'y a pas à douter : quelque chose se trame dans ce bourg de 9000 âmes !
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Cependant, nulle représentation tumultueuse au Teatro Alhambra qui puisse justifier pareil tohu-bohu ;
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nulle agitation révolutionnaire au Parti Socialiste {les bidonvilles à l'arrière-plan le justifieraient-ils encore?} ;
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pas non plus d'hystérie chez les évangéliques, où c'est en douce que l'on se réjouit que la belle église catholique1 ait entièrement cramé en 2007 ;

1 Édifiée en bois, dans un style néo-gothique allemand, en 1860.

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inaugurerait-on le nouveau siège du Front National dans la caserne des bomberos {pompiers} ? Non, trop dispendieux pour un parti en sursis1 ;

1 Nous étions alors en 2007, et le Front National songeait à abandonner son siège historique...

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sur le port, les canons restent murés dans leur silence : nul ennemi n'a débarqué {et puis l'Argentine1, c'est de l'autre côté} ;

1 L'aversion réciproque que se portent Chiliens et Argentins n'est pas un mythe ; pour preuve, lorsque nous sommes arrivés dans un atelier à Taltal pour faire vérifier la pression de nos pneus, le garagiste, lorsqu'il s'est rendu compte que nous étions Français malgré notre plaque d'immatriculation argentine, nous a déclaré tout de go : « Ah vous êtes Français ; heureusement pour vous, sans ça je vous aurais foutu dehors ! » Et ce faisant, il passait un index assassin sous sa gorge…

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aucune alerte au tsunami n'est venue troubler notre sommeil, qui sans doute eut été moins lourd si nous avions eu vent de ce risque ;
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un homme à la mer ? un requin sanguinaire ? non : une simple fresque à l'école primaire ;
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pas davantage d'activité sur les môles en ruine : le boom du salpêtre est bel et bien moribond, cargos et trains boudent désormais Taltal ;
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pourtant, n'en doutez pas : un puissant parfum de fête plane dans l'air marin,...
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...une joie incoercible agite tout le bord de mer, une houle d'euphorie déferle sur la Croisette locale,...
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...tout ici est envahi d'une effervescence survoltée, parcouru d'un va-et-vient fébrile,...
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...tout respire la kermesse, transpire l'ivresse, inspire l'allégresse. Mais pourquoi ???
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Eurêka ! Sommes-nous stupides : c'est Noël !! Avec cette chaleur, et le Pacifique tout proche, nous étions complétement déphasés !
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Mais il est grand temps de laisser les Taltalinos célébrer la Nativité avec la ferveur1 latine coutumière,...

1 Je suis une mauvaise langue, c'est notoire : si la ville était bel et bien endormie lorsque nous l'avons visitée, aux alentours de 10h00, elle s'est en revanche animée lorsque nous l'avons quittée une heure plus tard : les gens prenaient l'air, on étrennait les nouveaux jouets à roulettes sur la place centrale, et des cohortes d'enfants costumés défilaient en musique. Nous avons raté le meilleur ; bien fait pour nous.

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...et de poursuivre notre périple, en empruntant la Ruta 1 qui longe la côte pacifique jusqu'aux abords d'Antofagasta.
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Les plages de sable fin et les {modestes} installations balnéaires de Taltal ont disparu : la côte est sauvage, l'océan hostile ;
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les attractions touristiques sont limitées {encore que cette Centrale Thermo-électrique au Gaz ne soit pas dénuée d'un certain intérêt},...
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...et le seul chassé-croisé estival est celui des poids-lourds qui transitent entre mines de cuivre, ports,...
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...et citernes en déshérence – au moins, on ne se sent pas trop seuls pour fêter Noël.
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Quant aux colonies de plaisanciers, peut-on parler de vacances ? Les prises de bec sont hélas monnaie courante chez les pélicans.
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La route, elle, se dégrade au fur et à mesure de notre progression : elle n'est bientôt plus qu'une piste cahoteuse où la nature reprend ses droits, insolemment...
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« Ignace ! Ignace ! Veux-tu bien revenir ici tout de suite ! » – « Ah ah, attrape-moi toujours, si tu peux ! »
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« Môôôman ! Ya une grosse bête noire qui fonce sur nous, et qui gronde ! » – « Oh mince, vite, taillons-nous ! »
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« Vas-y, viens t'battre avec ton 4x4, j't'attends, même pas peur d'abord ! »
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« Dis, môman, tu crois qu'ils nous entendent ? » – « Sûrement pas, Ignace, tu as vu la taille ridicule de leurs oreilles !? »
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« Quoi ? qu'est-ce t'as ? Tu veux ma photo ou quoi, à la fin ?!? » Ouais, pour en faire la couverture d'un roman de la Comtesse de Ségur...
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[Bref.] Acculés au rivage par la déferlante menaçante de la Cordillera de la Costa, nous cabotons vaillamment de cap en baie, parmi récifs et bancs de sable ;
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les kilomètres s'accumulent laborieusement au compteur : quatre heures que nous roulons, et seulement 142 km ! En verrons-nous bientôt le terme ?
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Mais voici enfin la première présence humaine d'importance, depuis que nous avons traversé les baraquements miséreux des pêcheurs de Paposo ;
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“Caleta el Cobre” {“Crique du Cuivre”} est le terminal maritime d'un réseau d'exploitations minières juchées au cœur de la cordillère ;
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mais pour ce qui est de la « présence humaine », nos attentes sont déçues : les baraquements sont désertés,...
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...camions-bennes et pelleteuses mastodontesques sont à l'arrêt, certains en piteux état ;
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n'était Noël, on jurerait que le site est définitivement abandonné, vu la vétusté générale des infrastructures.
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En front de mer, cependant, des petites pâtés de sable et des traces de pneus que l'érosion n'a pas encore nivelés attestent d'une activité récente, irréfutablement.
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Aussitôt après, notre route oblique brusquement pour s'immiscer dans la cordillère, et trois lacets ont vite fait de masquer le Pacifique.
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Aujourd'hui, la route est déserte ; mais en semaine le trafic des camions est tel que les accidents ne sont pas rares ; en témoignent ces deux chapelles,...
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...conçues avec un soin attendrissant, sanctuaires de pneus blanchis à la chaux,...
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...élevés pieusement par les « compañeros y amigos » du défunt, à la gloire de la camaraderie.
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Alentours, des boules de cactus retiennent un temps l'insatiable curiosité du photographe.
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Cependant, la Cordillera de la Costa se révèle un massif difficilement franchissable, et la route s'élève désespérément à la recherche d'un col improbable ;
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il nous faut grimper à près de 1700 mètres d'altitude, par une piste vertigineuse, pour enfin amorcer la redescente dans le Valle Largo1. Sauvés !

1 La “Vallée large” : ainsi dénomme-t-on la vallée séparant la Cordillera de la Costa de la Cordillère des Andes proprement dite.

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Et bientôt, nous rejoignons à nouveau la Panaméricaine, dont nous apprécions {une fois n'est pas coutume} les lignes droites ! Publicité à outrance,...
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...poids lourds et pollution sans vergogne {cocorico, il s'agit d'une usine d'Air Liquide},...
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...banlieue tristounette – en un mot, c'est comme qui dirait le retour à la civilisation.
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Bienvenue à Antofagasta ! Fondée en 1868 par les Boliviens, puis conquise par les Chiliens lors de la Guerre du Pacifique, c'est aujourd'hui le deuxième port du Chili après Valparaiso.
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Noël exotique, encore, avec en toile de fond les ruines de la fonderie d'argent, qui carburait au tournant des XIXème et XXème siècles.
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« Cerf, cerf, ouvre moi, ou le Chilien nous tuera », avec notre plaque d'immatriculation argentine...
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Sous des dehors de palais, voici la gare ferroviaire qui draine les minerais chiliens et boliviens, depuis Chuquicamata notamment {la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert}.
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Emprisonnée au bord de l'Océan par la Cordillera de la Costa, la ville est contrainte à s'étager dangereusement sur les flancs de sa geôlière.
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Architecturalement, Antofagasta juxtapose de charmantes maisons traditionnelles en bois,...
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...et le kitsch clinquant de ces façades édifiées aux heures les plus fastes de la prospérité minière, à la fin du XIXème siècle ;
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on ne manquera pas, également, d'admirer ces joyaux du plus pur style néo-électrique,...
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...« avec ces fils si bas qu'un Panda s'est pendu » {je suis décidément d'humeur à fredonner les classiques d'outre-atlantique}.
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Quelques pas sur la place centrale, parmi palmiers proéminents et pigeons prédateurs ;
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Au centre, les Anglais ont érigé ce “cadeau” encombrant, en remerciement de tout le nitrate pillé par leurs soins dans la région. Un souvenir semblable à celui érigé devant la gare de Retiro, à Buenos Aires, pour des raisons similaires.
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Mais que serait Noël sans une bonne chute de neige ?
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Ne rêvons pas : il fait 25°C ; et ces flocons, c'est du savon : toilettage complet, avant de repartir vers de nouvelles aventures... non moins salissantes.
Le périple « Des Andes à la Lune » n'est pas terminé ; poursuivez l'aventure !

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