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“Sterne Harbor”

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Merci, ça fait plaisir ! En même temps, il faut effectivement être deux sacrés pelotudos pour venir sur la côte atlantique en plein automne. Sûr qu'on va pas être embêtés par la foule1 !

1 Traduction de l'inscription laissée dans le sable par une main indélicate : « Celui qui lit ça est un pelotudo ».

2
A la haute saison, la plage est encombrée de centaines de fauteuils en plastique, et les baigneurs venus en masse de Buenos Aires {distante d'à peine 400km, autrement dit la porte à côté} se bousculent dans les inoffensifs rouleaux.
3
Faute de températures adéquates pour risquer ne serait-ce qu'un bain de pied, nous baguenaudons dans Cariló, embusqué dans le bois de pins que l'on a planté pour ombrager et stabiliser le front de dunes qui longe le littoral.
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Le centre-bourg est un dédale d'échoppes où le kitch est souverain, dans les vitrines comme sur les façades : trolls en terre cuite, chocolats fourrés au dulce de leche et lumignons haussmanniens créent une ambiance insolite que les Portègnes associent ingénument à notre hiver boréal.
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Au final, on ne sait plus trop s'il s'agit d'une villégiature de bord de mer ou d'une station de sports d'hiver... A en juger par les concessionnaires automobiles et les villas cossues, Cariló se présente en fin de compte comme une banlieue chic de la capitale...
6
A peine plus au nord du dispendieux lotissement, nous espérons tuer l'ennui à Pinamar, petite ville grisâtre dont les grands complexes balnéaires défraîchis trahissent une cible touristique un tantinet plus populaire.
7
La mer n'est guère plus amène, nous avons définitivement emporté nos maillots de bain pour rien. Il eut été plus judicieux de s'équiper d'une canne à pêche, ou d'une de ces curieuses nasses. Mais les places sont très disputées sur la jetée, il n'y a pas de regret à avoir.
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Étalant notre déconfiture sur quelques kilomètres supplémentaires de littoral frisquet, nous atteignons bientôt Punta Rasa la bien-nommée : ce cap pelé par le vent, poli par les marées, est bel et bien ras. Et pas un chat.
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Ah si, tout de même : une pimpante roulotte se dresse à la lisière du flux, son fanion claquant furieusement dans le vent, dont nous n'avons pas besoin de préciser qu'il est coriace. Il faut être un peu misanthrope pour s'établir ici – ou pire : ornithologue !
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Car, contrairement aux apparences, Punta Rasa n'est pas dénuée d'intérêt, et autant vous dire que nous n'y sommes pas si seuls. A quelques mètres du rivage, une terrifiante escadrille de piafs se tient prête à décoller au moindre soupçon d'hostilité.
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C'est donc au péril de notre immaculation que nous entreprenons une hasardeuse phase d'approche, courbés, quasi rampant, la main sur la gâchette du déclencheur... Un tir subreptice de notre appareil-photo claque entre deux rafales de vent. Bref conciliabule dans la patrouille d'huîtriers... Sommes repérés.
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Au signal d'une sirène stridente émise par les huîtriers stressés, les sternes mettent aussitôt le pied à l'étrier ; les ailes à peine déployées, elles décollent illico presto en grandes saccades argentées. Et la flottille s'ébranle en rangs serrés, alors que nous amorçons précipitamment notre retraite...
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Hélas, la riposte est fulgurante et nous avons beau détaller à toutes jambes nous ne pouvons échapper à la fureur des représailles : feignant d'abord la fuite, les sternes virent brusquement sur nos talons et passent en rase-motte au-dessus de nos têtes. Le mot-d'ordre est sans appel : pas de quartier, conchiez-les tous !
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Après nous avoir dûment bombardés, l'escadrille reprend de l'altitude et déboîte en ordre dispersé vers le large, dans un grand piaillement assourdissant qui a tout du ricanement moqueur du vainqueur. Nous sommes déconfits, mais pas moins décorés.
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L'assaillant bientôt regagne ses pénates, sans se soucier davantage de notre présence. Nous resterons désormais à bonne distance, préférant contempler l'inoffensif phare San Antonio qui marque la limite sud-orientale du Río de la Plata.
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Un rien maussades, nous prenons la route du retour, embellie par les chauds coloris du crépuscule. Voilà qui nous redonne un peu de baume au cœur, avant d'affronter les inévitables bouchons qui nous attendent aux portes de Buenos Aires. Au moins, ce qu'il y a de bien, c'est que nous n'avons pas sali nos maillots de bain.

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