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“La damnation des fosses”

Ce carnet de voyage fait partie d'un périple plus vaste. Reprenez-le depuis le début ! C'est ici : « Des Andes à la Lune ».
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Pour un 1er janvier, rien de tel que d'aller faire trempette en bord de mer ! A une dizaine de kilomètres de Cafayate, cette plage de sable fin attire une foule de baigneurs !
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Ah ? Je vous ai déjà fait la blague à propos du Valle de la Luna à Atacama ? Désolé, je ne m'en souvenais plus. Et en même temps, vous tombez toujours dans le panneau...
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Bref, quoi qu'il en soit, si sable il y a, ce ne sont que des dunes sans littoral – et sans baigneurs, ni même touristes : l'endroit est désertique, déserté, désolant.
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La végétation locale est écorchée vive, aussi nous ne nous attardons pas davantage aux Médanos1, et changeons radicalement de paysage...

1 Médanos = dunes

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La Quebrada de Cafayate est autrement plus extraordinaire ! La langue verdoyante du Río de las Conchas vient lécher les mandibules sanguinolentes de la Sierra de Carahuasi,...
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...dont les stériles forteresses de grès évoquent le Grand Canyon nord-américain, dans des tons encore plus “colorados1” !

1 “Colorado” est un faux ami cruel en Castillan – synonyme de “rojo”, il signifie “rouge”, et est très usité lorsqu'il s'agit de caractériser un paysage.

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La gigantesque muraille offre néanmoins quelques brèches étonnantes, qui sont autant d'étapes touristiques affublées de toponymes plus ou moins farfelus ;
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ce cylindre, par exemple, est dénommé “Amphithéâtre”, mais “Marmite” eut sans doute mieux convenu : certes, l'acoustique est digne des réalisations de la Rome antique,...
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...mais, faute de gradins, les striures de la paroi témoignent de la pression formidable, générée par un tourbillon diluvien, qui sculpta cette cocotte-minute pantagruélique.
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A cent mètres de là, un autre chaudron entaille le rempart ; ce gosier béant est celui de la “Gorge du Diable” {vocable décidément très prisé1 par les Offices de Tourisme} ;

1 On pense notamment à la fameuse “Garganta del Diablo” d'Iguazú, ou à celle de Tilcara.

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le moins que l'on puisse dire, c'est que cet œsophage asséché a tout de même la dalle en pente, et nous n'avons pas non plus froid aux pieds {nus}, car la roche est brûlante !
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Tant et si bien que, pour ma part, je préfère m'arrêter aux amygdales ; Nico, plus téméraire, se hisse jusqu'à la glotte et me nargue triomphalement. Rira bien qui rira le dernier...
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Bientôt... « Ah ! on fait moins le fanfaron quand il s'agit de redescendre, tu vois : tu veux jamais m'écouter, mais moi je me doutais bien, je suis plus prudent – la sagesse même {...} ! ».
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Le retour sur Cafayate est moins périlleux, mais je ne ravale pas mon audace et compare sans vergogne ces empilements de blocs poreux à un Amoncellement en polystyrène de Dubuffet – ou à son “style puzzle” des années 60, je pense par exemple aux “Allées et Venues” de 1965... Non ? Bon, j'insiste pas...
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Nous renouons illico avec la Ruta 40, dont le revêtement s'est sensiblement amélioré ; de nombreux badenes bétonnés franchissent le lit des ríos, asséchés en cette saison.
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Cruelle déconvenue : une barricade ferme la route de Quilmes, citadelle en ruine des Diaguitas, que nous comptions visiter ;
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les actuels représentants de cette nation indigène protestent contre l'accaparement impie du site par l'État, à des fins touristiques mercantilistes, et réclament la restitution de leur patrimoine historique.
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Nous passons donc notre chemin, non sans amertume – mais ça n'est que partie remise. Allons bon ! Même les moutons font des manifs maintenant ?!
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Pour meubler cette fin de journée écourtée, nous dévions les derniers kilomètres de notre périple pour emprunter la Ruta 47– le bitume, tout compte fait, nous endormait.
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Et puis, il faut relever un peu la monotonie du paysage, dont quelques tornades époussettent mollement la plaine impavide ; même le ciel accuse un coup de blues ;
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quant aux cactus, ils manquent terriblement de piquant ! Mes blagues aussi, me direz-vous... Qu'à cela ne tienne, voici que notre affaire va se corser...
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Nous attaquons en effet la traversée des Nevados del Aconquija, chaîne culminant à plus de 5000 mètres d'altitude. Pas question de monter si haut, nous nous contenterons de frôler les 3100.
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La spectaculaire Cuesta de las Capillitas conduit à la mine Santa Rita, principal gisement de rhodochrosite, la pierre précieuse nationale de l'Argentine. Nous aurons une autre occasion de la visiter.
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Si je dis « spectaculaire », c'est que cette route d'à peine 60 kilomètres de long est taillée à flanc de précipices, étayée tout du long par un rustique remblai de pierres ;
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et la piste ravinée, sans rambarde ni glissière de sécurité, se cramponne ainsi sur ce soubassement de fortune, ajouré d'orifices faisant office de gouttières.
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Bien entendu, il faut partager la voie avec le bétail, qui, comme s'il paissait dans la pampa, se promène en toute liberté et nous cède le passage à regret ;
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et puis ce sont les chèvres, tout autant livrées à elles mêmes sur la rocade de ce patelin perdu, juché à 3000 mètres d'altitude dans un repli de montagne.
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Les habitants de cette cordillère sont plus nombreux que l'on croit, et s'appliquent à cultiver des lopins abrupts et caillouteux, cependant fertiles.
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Passé le col à 3100 mètres, nous découvrons l'autre versant de la chaîne, enveloppé d'un moutonnement nébuleux ; les éclaircies sont parcimonieuses.
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Plus au sud, épargnée par les nuées qu'endigue le massif, la ville d'Andalgalá ponctue de reflets laiteux le nivellement brutal du Campo de Belén.
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Mais pour atteindre cette étape ultime de notre périple, il reste à se farcir des kilomètres et des kilomètres de virages à n'en pas finir, tant la déclivité est pondérée.
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Lorsqu'enfin nous touchons le fond, le crépuscule est déjà largement entamé, et une torpeur moite semble plomber les teintes évanescentes de la sierra.
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Pourtant, l'apathie des photos est trompeuse, et ne saurait rendre l'infernal crissement des cigales, d'une proportion inouïe, terrifiante, industrielle ! Concert de clôture.
Le périple « Des Andes à la Lune » est maintenant terminé. Pas trop fatigué ?

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