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“Cachi Cachi Cachi – ?!”

Ce carnet de voyage fait partie d'un périple plus vaste. Reprenez-le depuis le début ! C'est ici : « Des Andes à la Lune ».
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San Antonio de los Cobres s'évapore dans les limbes bleutées qui délavent l'horizon – nous quittons la Puna par un tronçon rocambolesque de l'inénarrable Ruta 40.
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Cette nationale mythique qui traverse l'Argentine du Nord au Sud sur plus de 5200 km revêt des aspects contrastés : tantôt autoroute bitumée, tantôt piste sablonneuse, elle ne vaut ici guère mieux qu'un sentier de muletier.
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Il faut dire que cette portion, loin des mornes plaines patagonnes, est particulièrement accidentée : à force de lacets acérés et de raidillons musclés,...
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...la Ruta 40 parvient à remporter ici la palme de la route nationale la plus haute du monde, atteignant les 4895 mètres d'altitude au col de l'Abra del Acay.
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« Et maintenant, on fait quoi ? Il fait un peu frisquet, là...» – « On redescend de l'autre côté, pardi ! Ce soir, on dort à Cachi : 102 bornes, c'est de la rigolade ! »
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Rigolade, rigolade, c'est vite dit : la redescente sur le versant sud n'est pas de tout repos, et le splendide panorama qui s'offre à nous ne doit pas nous détourner de la route vertigineuse,...
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...pour ne pas dire périlleuse ! Le conducteur est d'une vigilance extrême, et le passager se tient coi, nous prions pour ne pas avoir à croiser une vieille R12 – ce qui fut le cas à la montée.
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« Ah non ! L'Abominable Chameau des Neiges ! C'est pas le moment ! Bouge-toi de là, avec tes pompons ! Oust ! Du vent ! Va voir ailleurs si j'y suis ! »
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Mais ce yéti décoloré a plus de sang-froid qu'on ne le croirait, et il semble même s'amuser de la situation, ses babines retroussées sur un sourire moqueur.
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En dernier recours, un petit coup de klaxon le fait décamper dans la pente du précipice, sans demander son reste. Ouf ! Nous reprenons le décompte des lacets, et dévalons prudemment le flanc abrupt, palier après palier,...
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...lorgnant régulièrement vers le fond de la vallée, impatients voire inquiets ; l'heure tourne, et nous commençons à douter de nos chances d'arriver à Cachi pour le dîner.
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La Cordillère Orientale dans laquelle nous nous enfonçons irrémédiablement oppose un mutisme souverain : pas un arbre, pas un souffle, pas un homme.
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Alors que le soleil rasant nous aveugle, menaçant de bientôt disparaître derrière la crête, nous déboulons dans la cour d'une ferme d'adobe, et y demandons aussitôt l'hospitalité ;
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on nous autorise cordialement à planter la tente dans le pré, ce que nous faisons en deux temps trois mouvements - pour le première fois depuis notre départ.
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Profitant des dernières lueurs du soir, nous aménageons une cuisine rudimentaire et déployons notre cantine ; le tintement de la ferblanterie éveille un écho de clochettes...
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....et c'est bientôt l'effervescence dans le corral tout proche, où les biquettes entendent visiblement partager notre plat de pâtes bolognaises. « Suffit ! Couchées, j'ai dit ! »
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Le lendemain matin, réveillés par les ultimes pétarades d'une camionnette à l'agonie, nous reprenons la Ruta 40, bon pied bon œil.
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« Allez, courage, plus que 4545 km avant le Cap des Vierges1 ! Écrase l'accélérateur ! » – Pour l'heure, nous nous contenterons des Valles Calchaquíes.

1 Le Cabo de las Vírgenes est le km 0 de la Ruta 40, à la pointe sud de la Province de Santa Cruz, sur le Détroit de Magellan.

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L'église de Trigal signale grosso modo le début de cet enchaînement de vallées dont le nom évoque la rébellion des peuples indigènes contre la domination espagnole, aux XVIIème et XVIIIème siècles : les Valles Calchaquíes.
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Ces vallées constituent une oasis de fertilité très convoitée au cœur des paysages arides de la Cordillera Oriental ; rien d'étonnant à ce qu'elles aient été l'enjeu de luttes acharnées.
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Voici enfin Cachi, localité somnolente réputée pour sa tranquillité et la douceur de son climat, qui en font un terreau propice à la viticulture... et au tourisme.
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La hauteur des trottoirs évite le stationnement sauvage, et faute de voitures c'est un bon moyen de se préserver des crues intempestives du Río Calchaquí.
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L'architecture coloniale y est remarquablement bien préservée, dans ce style criollo qui évoque les caniculaires après-midis des tropiques.
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Du reste, l'ambiance demeure compassée, et le « Cachi Cachi Cachi » que je pousse dans la rue n'est pas suivi de l'effet escompté. Aïe aïe aïe...
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Reprenant le fil de la Ruta 40, nous découvrons une architecture vernaculaire originale, qui habille d'élégantes colonnades les demeures les plus modestes,...
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...s'enorgueillissant ici d'une galerie mauresque pour le moins incongrue, là d'un porche néo-classique carrément pompeux, offrant au pisé et à l'adobe leurs lettres de noblesse.
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Chaque église – et Dieu sait {évidemment} qu'il y en a – est également l'objet d'un raffinement tatillon, contrastant comiquement avec la rudesse des matériaux.
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Il n'est pas jusqu'aux fours dont l'architecture n'évoque quelque coupole timouride, quelque igloo ottoman : l'éclectisme et l'exotisme sont de mise.
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Nous faisons escale à Los Molinos pour y admirer son église, dont le style cuzquègne rappelle l'ascendance du Pérou sur cette portion australe de l'empire espagnol.
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L'intérieur est plus ordinaire, et quelques lambeaux de guirlandes de Noël avivent un peu l'austérité ambiante, en-dehors du clinquant retable.
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En vis-à-vis de l'église, cette magnifique bâtisse coloniale est la Casa de Isasmendi, du nom du dernier gouverneur espagnol qui y a demeuré, avant l'Indépendance.
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Après le déjeuner, bringuebalé par les chaos monotones de la Ruta 40, et bercé par un paysage assoupi au relief avachi, je ne résiste pas longtemps à l'endormissement...
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Lorsque la voiture pile, c'est à peine si j'émerge, et Nico me secoue brutalement : « Tu viens, on va visiter une église ! » - « Mm? Mgn? Mare des églizzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz... ».
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Je reste donc à comater dans mon four, cuisant à petit feu sous un soleil de plomb amplifié par le pare-brise, tandis que Nico baguenaude dans son élément ;
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il se heurte toutefois à porte close, ce qui ne le décontenance pas davantage, très impressionné par ces vantaux taillés dans le bois d'un cardón.
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A partir de là, le relief fripé semble s'amollir, dégénérer en une méchante pâtée, malaxée, pétrie sans tendresse, mâchouillée hargneusement –- une déjection tellurique plutôt qu'une montagne !
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Au pied de cette gabegie incompréhensible, le bel ordonnancement des vignes contraste, dont le ramage bichonné est étendu méticuleusement sur les treilles.
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A l'extrémité de la bouillie rocheuse, la Quebrada de las Flechas ménage un passage à la Ruta 40, qui se faufile entre des pans de roche comme basculés pour la circonstance ;
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le tracé est ajusté, frôlant les arêtes tranchantes, et ces fragments aiguisés justifient réellement la toponymie – quoique certaines “flèches” soient émoussées.
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Il faut grimper sur l'un de ces tremplins crayeux pour apprécier l'acharnement évident avec lequel l'érosion a fracassé le paysage !
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Une carte postale de Cafayate pour finir l'album, village viticole prospère où il fera bon réveillonner – avec cette chaleur, on en aurait oublié que c'est la Saint Sylvestre !
Le périple « Des Andes à la Lune » n'est pas terminé ; poursuivez l'aventure !

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